À vouloir absolument rester valide, c’est être encore plus handicapé. Cela peut paraitre stupide, et pourtant. Regardons les choses en face, lequel vit le plus dans une situation de handicap ? Le malentendant avec ses prothèses auditives ou le malentendant sans prothèse auditive qui ne l’assume pas pour rester valide psychologiquement ?
En prenant de l’âge, nous perdons tous petit à petit la possibilité de percevoir les sons aigus, et, donc la perception des consonnes. Il y a également des situations où le bruit de fond est constitué essentiellement de sons graves. Ces sons graves provoquent un effet (masquant) gênant sur les consonnes aiguës. La personne entend, certes ce qui est dit, mais elle n’est plus capable de le comprendre correctement.
De plus en plus de personnes rencontrent des problèmes de compréhension des sons et, donc la pathologie du malentendant. L’âge en est, certes, une cause mais nos jeunes ne sont pas épargnés à cause des discothèques, les baladeurs, etc. …
Sans le savoir, ils vivent dans le mal audition. Sans le savoir, ils subissent un mal-être dans leurs vies quotidiennes, ou tout simplement ils ne souhaitent pas être catégorisés comme un handicapé. Et c’est un tort.
La thèse est donc vraie, le valide est plus handicapé qu’une personne reconnue handicapée, c’est la raison pour laquelle, lorsqu’une personne perçoit les premiers symptômes d’une mauvaise audition, qui se manifestent souvent dans des circonstances de communication avec bruit de fond, il est fortement conseillé de se faire assisté afin de pallier cette lacune. Et surtout de ne pas vivre plus handicapé qu’un handicapé reconnu.
Entendre et comprendre
Les malentendants sont particulièrement sensibles à la différence entre « Entendre» et « Comprendre » qui sont deux modalités de perception différentes. «Entendre», c’est tout simplement une question de perception de sons. En tant que malentendant, je n’entends parfois que quelques mots, mais je peux facilement comprendre la phrase, parce que je lis aussi sur les lèvres ou parce que j’ai l’habitude de donner du sens à des sons perçus de manière fragmentaires.
A l’inverse, une personne peut avoir parfaitement entendu une information et ne pas l’avoir comprise. Le comble est de dire alors que c’est un langage de sourds…. Dans le langage commun, il est en effet souvent dit de la part de quelqu’un ayant mal entendu qu’il « n’a pas compris ». Or «Comprendre» n’est pas uniquement percevoir, mais également donner un sens aux différents mots et différentes tonalités.
Saisir cette différence entre entendre et comprendre est importante pour porter un nouveau regard sur les malentendants et réagir différemment. Si les gens sont capables de faire cette distinction, ils arrêteront de penser qu’un malentendant est bête alors qu’il n’a pas entendu.
Mon handicap m’a ouvert à cette différenciation qui est en fait un des paramètres de la communication et de la compréhension mutuelle. En tant que manager, j’aime m’assurer que mes interlocuteurs n’ont pas seulement entendu mes explications, mais les ont bien comprises. J’utilise souvent la pratique du feedback, qui implique que le personne restitue ce qu’elle a compris. Lors de l’établissement d’une feuille de route, c’est un moyen d’apporter des points d’éclaircissement si nécessaires, et de gagner du temps pour la suite…
Julien Delamorte