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Rencontre avec Sylvain Couthier, président de ATF Gaia et lauréat du Prix de l’entrepreneur social 2014

Deux semaines après avoir reçu le Prix de l’entrepreneur social 2014 des mains de Frédéric Oudéa, président directeur général de la Société générale, le président de l’entreprise adaptée de négoce informatique ATF Gaia se sent encore porté par une douce euphorie. « Ce prix, c’est la reconnaissance de notre modèle », confie Sylvain Couthier à Tous Uniques.

Tous Uniques : Voilà deux semaines que vous avez reçu le Prix de l’entrepreneur social 2014, organisé par le Boston Consulting Group et la Fondation Schwab pour l’entrepreneuriat social. Comment vous sentez-vous ?
Sylvain Couthier : Pour l’instant, nous sommes encore un peu grisés. Ce prix, c’est d’abord la reconnaissance du modèle des entreprises adaptées : cela montre qu’on peut être performant, tout en plaçant l’humain au cœur de ses préoccupations. Mais le lauréat du prix bénéficie aussi d’un accompagnement par le Boston Consulting Group. Etre challengé par le leader mondial de la stratégie et du développement, c’est une opportunité formidable !
Qu’est-ce qui, selon vous, rend ATF Gaia si spéciale ?
ATF Gaia existe depuis 1995, et l’attention à l’environnement comme aux populations fragilisées fait partie de son ADN depuis toujours. Mon associé, Ludovic Amaudruit, était lui-même dialysé rénal, et avait perdu son emploi à cause de la maladie. Et un de mes proches souffrait d’un handicap. Ces expériences nous commandaient de donner du sens à notre travail.
Pourtant, à sa création, il s’agissait d’une entreprise ordinaire.
Tout à fait. L’orientation vers les personnes handicapées s’est faite de façon empirique. Au début des années 2000, nous nous sommes installés à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne). Nous y avons noué un partenariat avec le centre de réadaptation professionnelle voisin, pour l’accueil de stagiaires… Un formidable vivier d’embauches. Très vite, nous avons largement dépassé l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH).
Comment alors est-elle devenue une entreprise adaptée ?
Ce fut une conjonction de facteurs. Après le décès de mon associé en 2004, il a fallu gérer la succession. Et le partenariat avec le centre de réadaptation s’essoufflait. Entre temps, la loi de 2005 avait transformé les anciens ateliers protégés en entreprises adaptées, sous forme commerciale. Moi, je suis un entrepreneur. Et le statut d’EA offrait la possibilité de concilier la vocation sociale avec des notions entrepreneuriales – la prise de risques, la rentabilité, la performance, le marché concurrentiel… Fin 2008, nous avons obtenu un agrément de la préfecture et changé de statut.
Et cela vous a visiblement réussi !
Oui, aujourd’hui ATF Gaia compte 80 salariés, dont 45 travailleurs handicapés, et a réalisé un chiffre d’affaires de 10,3 millions d’euros en 2014, soit 25 % de croissance par rapport à l’année précédente.
Le statut d’entreprise adaptée suppose un accompagnement rapproché des salariés. Quelles formes prend-il chez ATF Gaia ?
C’est du management au quotidien. Un peu plus d’attention, dans toute la chaîne hiérarchique. Associer les salariés aux bonnes performances de l’entreprise, ou leur expliquer pourquoi certaines commandes induisent de la pression. Nous travaillons beaucoup sur l’adaptation des postes de travail, nous faisons de la sensibilisation à l’hygiène de vie… Ce sont aussi des choix opérés par l’entreprise. Par exemple, nous avons décidé de prendre en charge 100 % de la cotisation à la mutuelle obligatoire. Ainsi, même les manutentionnaires avec des petits salaires peuvent payer des options pour bénéficier d’une meilleure couverture. Et nous nouons des partenariats : avec le conseil général, pour le transport adapté de nos salariés malvoyants, en sensibilisant notre partenaire financier aux difficultés d’accès au crédit des personnes en situation de handicap… Notre rôle, c’est de nous assurer que nos salariés ont un certain équilibre. Cela oblige parfois le management à déborder un peu de ses missions.
Vous consacrez également un effort important à la formation.
Oui, le budget formation représente quatre fois notre contribution obligatoire. Cela permet à la fois de sécuriser les parcours professionnels de nos salariés, mais aussi de disposer des qualifications nécessaires pour répondre aux demandes de nos clients. En 2013-2014, nous avons ainsi lancé avec l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) un contrat de professionnalisation de douze mois de technicien d’assistance informatique. Sur les dix stagiaires, cinq ont été recrutés en CDI. Et le dispositif sera vraisemblablement reconduit.
Que diriez-vous à des clients potentiels, sceptiques à l’idée de recourir aux services d’une entreprise adaptée ?
La réussite d’ATF Gaia prouve que les personnes handicapées sont autrement capables. Aujourd’hui, nous conquérons de nouveaux marchés. Nous avons séduit des grands groupes. Les clients se sentent pleinement associés à notre projet, nous donnons du sens à leur action, et notre travail leur fournit aussi des indicateurs RSE précieux. Les EA créent de l’emploi et de la richesse, innovent sur les métiers, innovent socialement, et gagnent des parts de marché. C’est un modèle qui a fait ses preuves.

Le secteur adapté en bref

La vocation de l’entreprise adaptée est de soutenir et d’accompagner l’émergence et la consolidation du projet professionnel du salarié en situation de handicap, en vue de sa valorisation, sa promotion et sa mobilité au sein de la structure elle-même ou vers les autres entreprises.
L’entreprise adaptée doit employer au moins 80 % de salariés handicapés dans ses effectifs de production.
En 2013, les 702 EA employaient 30 000 salariés dont 24 000 en situation de handicap, pour un chiffre d’affaires d’1,05 milliard d’euros.

Vous pourrez rencontrer Sylvain Couthier et l’équipe d’ATF Gaia le 19 mars sur le Parvis de la Défense à l’occasion du PASS POUR L’EMPLOI. Rendez-vous sur le site.