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STMicroelectronics développe un programme de formation et d’intégration de travailleurs handicapés

Depuis 2006, le fabricant de puces électroniques STMicroelectronics développe un programme de formation et d’intégration de travailleurs handicapés, appuyé sur des accords nationaux. Bilan ? Un taux d’emploi multiplié par quatre, atteignant 4,6 % en 2014. Tous Uniques a recueilli le témoignage de Claude Boumendil, Directeur RH-RSE au sein de la DRH France, et Cecilio Lopez, opérateur de fabrication en situation de handicap.

Tous Uniques : Comment la politique d’emploi en faveur des personnes handicapées s’est-elle développée chez STMicroelectronics ?
Claude Boumendil, directeur RH-RSE : En 2003, le DRH France a impulsé la signature d’accords locaux pour l’intégration et le maintien dans l’emploi de personnes en situation de handicap sur nos principaux sites : Crolles, Rousset, Grenoble et Tours. Assez rapidement, le taux d’emploi a progressé : entre 2005 et 2009, il est ainsi passé de 1,2% à 2,8%. Mais l’enjeu nécessitait de consolider la dynamique. Pour mutualiser les moyens, les expériences, et diffuser ces bonnes pratiques dans tous nos établissements, l’entreprise a donc signé – avec toutes les organisations syndicales, à l’unanimité – un premier accord national pour 2010-2012. Il y était question aussi bien de sensibilisation que de maintien dans l’emploi, de prévention, de sous-traitance au milieu protégé… Un nouvel accord lui a succédé en 2013, qui enrichit notre politique d’un nouveau volet : le traitement des situations d’inaptitude, via un programme d’accompagnement à la reconversion professionnelle. Jusqu’à neuf mois, les salariés sont dispensés d’activité, et un cabinet les accompagne dans leur projet personnel, de formation, de reconversion dans l’entreprise ou de création de leur propre affaire.
TU : Avec quels résultats ?
CB : En 2014, l’entreprise employait des travailleurs handicapés dans une proportion de 4,66 %, soit presque quatre fois plus qu’il y a dix ans.
TU : Les employeurs ne trouvent pas toujours les compétences dont ils ont besoin parmi les travailleurs handicapés, en particulier sur des métiers très spécialisés comme les vôtres. Avez-vous rencontré ce problème ?
CB : Oui, bien sûr. Dans les forums de recrutement, nous constations très souvent un déficit de formation initiale parmi les candidats en situation de handicap qui se présentaient à nous. Ce qui n’est pas très étonnant, compte-tenu des difficultés d’accès de ces personnes à la formation… Nous avons donc décidé d’initier un programme de formation et d’adaptation aux métiers (FAM), en partenariat avec l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et une entreprise de travail temporaire, chargée du sourcing et de l’identification des candidats. Développé sur le site de Rousset dès 2007, ce programme a ensuite été déployé sur tous nos établissements de France.
TU : En quoi ce programme consiste-t-il ?
CB : Il s’agit d’une formation en alternance de 24 mois, débouchant sur la délivrance du titre professionnel de conducteur d’installations et de machines automatisées (CIMA). La particularité, c’est que nous proposons aux personnes d’intégrer le cœur de notre industrie, à savoir les salles blanches (une salle conçue pour limiter les taux de contamination afin d’y réaliser des opérations sensibles comme la fabrication de puces électroniques, NDLR), où ils pilotent des machines hautement automatisées. Les salariés en alternance bénéficient à la fois de l’appui d’un tuteur en interne – collègue ou manager – mais aussi d’un accompagnement psycho-pédagogique assuré par un cabinet externe.
TU : Avec quels résultats ?
CB : D’abord, un taux d’échec et d’abandon très faible, en particulier depuis la mise en place d’un « sas » de sécurisation des parcours. D’une durée de trois mois, il permet, en tout début de formation, de conforter les personnes dans leur projet professionnel, et éventuellement de leur proposer une remise à niveau. Ensuite, un taux d’embauche important dans l’entreprise : nous recrutons environ la moitié des stagiaires ayant obtenu leur titre professionnel. Et nous veillons tout particulièrement à positionner les salariés dans le meilleur environnement possible : chaque recrutement est examiné par une commission de validation, qui prend notamment en compte les préconisations de la médecine du travail.
TU : Au moyen d’aménagements de postes ?
CB : L’aménagement complet de postes de travail est assez délicat dans nos métiers industriels, car les opérateurs travaillent sur des machines très imposantes, que l’on ne peut pas bouger ou modifier. Il s’agit donc plutôt d’adapter l’organisation du travail ou la répartition des tâches.
TU : Comment s’assurer, alors, du soutien des collègues ?
CB : Il est vrai que cela peut générer quelques tensions, qu’il faut savoir repérer et désamorcer. Mais avec le programme FAM, nous nous apercevons qu’assez rapidement, la volonté de réussir du stagiaire est partagée par son équipe. Et que tout le monde souhaite que le collègue obtienne son diplôme afin de décrocher rapidement un emploi. Par leur parcours de vie, leurs expériences, les travailleurs handicapés apportent une autre motivation, de la maturité, une grande richesse dans les équipes. Et leurs collègues s’aperçoivent vite que la diversité est source de créativité.
 

Témoignage de Cecilio Lopez, opérateur de fabrication sur le site de Rousset (Bouches-du-Rhône)
J’ai été recruté sur le programme FAM en 2009, et j’ai obtenu mon titre professionnel en 2011, avant d’être embauché en contrat à durée indéterminée chez ST. Je l’ai vécu comme l’opportunité de revenir à mon premier métier. J’ai travaillé quinze ans dans l’industrie, que j’ai quittée à contrecoeur après un licenciement. Je me suis reconverti, et j’ai géré pendant quelques années un dépôt-vente de meubles. Mais j’ai fini par me blesser au dos, et j’ai dû abandonner cette activité. J’ai été reconnu travailleur handicapé, sans taux d’incapacité, mais avec l’interdiction de porter des charges lourdes. Quand l’agence d’intérim m’a proposé d’intégrer le programme FAM chez ST, j’ai tout de suite accepté ! C’est sûr, j’ai eu quelques craintes. Celle du regard des autres. Et aussi de retourner m’asseoir sur les bancs d’une école, pour la partie théorique assurée une semaine par mois par l’Afpa. Mais je ne regrette pas du tout. J’ai appris un nouveau métier tout en revenant dans mon milieu d’origine, j’ai retrouvé un emploi, et avec mes collègues, tout se passe bien. Mon handicap ? On n’en parle plus. Je suis un salarié comme les autres.