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Le magazine de la Région Ile-de-France traduit par des personnes handicapées mentales

Le premier numéro est sorti en mai : depuis le début de l’année, deux établissements et services d’aide par le travail (Esat) de l’association Avenir-APEI (nord-est des Yvelines) traduisent le magazine du Conseil régional d’Ile-de-France en français facile à lire et à comprendre. Une démarche au bénéfice des personnes handicapées mentales, mais aussi de tous ceux qui éprouvent des difficultés avec le français ou l’écrit. Pour tout savoir sur cette collaboration, Tous Uniques a rencontré Luc Pallier, directeur de l’Esat La Roseraie (Carrières-sur-Seine), Jocelyne Lemerle, directrice de l’Esat Les Courlis (Chatou) et Pierre Chapdelaine, rédacteur en chef du magazine Ile-de-France.

Qu’est-ce que le français facile à lire et à comprendre ?
Luc Pallier : C’est une méthode de rédaction élaborée par l’association Inclusion Europe, qui vise à rendre un maximum d’informations accessibles aux personnes handicapées intellectuelles, en utilisant des mots simples, des phrases courtes, des pictogrammes… Elle obéit à un certain nombre de règles bien codifiées, qui prévoient notamment la transcription et la validation des documents par les personnes handicapées elles-mêmes.
Comment ce projet est-il né ?
Pierre Chapdelaine : En juin 2014, le magazine de la Région Ile-de-France a reçu le Grand prix de la presse territoriale. Le dossier de candidature comportait une question sur l’accessibilité du magazine et… je me suis aperçu que je n’avais rien à indiquer sur ce sujet. Et que nous n’étions pas la seule collectivité dans ce cas. Je ne savais pas comment trouver un prestataire, je me suis donc adressé à l’Unapei (1), qui m’a orienté vers les Esat d’Avenir-APEI.
Luc Pallier : La demande de la Région est tombée à un moment très opportun. D’un côté, nous cherchions à développer de nouvelles activités pour nos Esat. De l’autre, Avenir-APEI a décidé de se mobiliser davantage sur l’accessibilité aux personnes handicapées mentales, y compris auprès des collectivités locales, où l’effort sur l’accessibilité est encore trop souvent limité au handicap moteur ou sensoriel.
C’est un nouveau métier pour les travailleurs d’Esat ?
Jocelyne Lemerle : Tout à fait ! C’est très intéressant car cela nous a permis de proposer une nouvelle activité à des travailleurs attirés par le côté intellectuel, la découverte de la vie démocratique… Il s’agit de travailleurs qui savent lire et écrire, et dont nous pouvons davantage valoriser les compétences. Tous ont également reçu des formations dispensées par l’Unapei, sur les méthodes de transcription en français facile à lire et à comprendre.
Pierre Chapdelaine : Un journaliste du magazine s’est joint au groupe pour la première session. Ainsi, lorsque nous travaillons sur le magazine grand public, il réfléchit déjà à la future transcription, aux éléments de contexte qu’il faudra peut-être rajouter… Il ne s’agit pas toujours d’élaguer : parfois, il faut plutôt enrichir l’information pour la rendre plus claire.
Comment la transcription se déroule-t-elle ?
Luc Pallier : La Région nous transmet les textes, un groupe de travailleurs les transcrit, puis les communique à un autre groupe qui relit pour assurer la validation. Tant que les lecteurs ont des remarques à faire, les textes ne sont pas validés. Cela peut prendre un peu de temps, mais il s’agit vraiment de s’assurer que le résultat est accessible.
Pierre Chapdelaine : Les textes sont ensuite mis en ligne sur un mini-site dédié, lui-même conçu pour être facile à naviguer.
Comment voyez-vous la suite de ce projet ?
Pierre Chapdelaine : Pour la Région, c’est une démarche globale. Une vraie belle mission de service public qui va continuer avec les prochains numéros du magazine. Et nous espérons avoir enclenché un mouvement qui pourrait s’étendre au transport, au tourisme, à la culture…
Jocelyne Lemerle : Cette expérience va servir à nos Esat pour lancer, à la rentrée, le développement commercial de cette nouvelle activité. Au-delà, il s’agit vraiment de défendre un outil d’accessibilité universelle, c’est-à-dire, qui ne profite pas seulement aux personnes déficientes intellectuelles, mais à tous ceux qui éprouvent des difficultés avec le français ou l’écrit : personnes étrangères, personnes âgées, jeunes… Dans les musées, quand les visiteurs ont le choix, ils préfèrent souvent prendre la brochure facile à lire !
Luc Pallier : Pour les Esat, le marché de la transcription représente un potentiel énorme. Aux associations de se positionner pour assurer des transcriptions vraiment réalisées et validées par des personnes handicapées. Car aucun texte facile à lire ne devrait être écrit sans la participation des premiers concernés.

(1) L’Unapei est la première fédération d’associations française de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles. Elle rassemble 550 associations (Adapei, APEI, Papillons blancs…), qui accompagnent au total 180 000 personnes handicapées.