Le premier groupement coopératif français est né en mai dernier, en région Centre-Val de Loire. Il réunit l’entreprise adaptée (EA) TPC et sa filiale de construction métallique, Sefard. Stéphane Foisy, PDG de TPC et nouveau président de l’union nationale des EA (Unea), explique l’intérêt de la démarche.
Pourquoi s’associer avec une autre entreprise ?
Stéphane Foisy. TPC réalise du conditionnement à façon pour l’industrie cosmétique dans le Loiret. Nous sommes une société coopérative ouvrière de production (Scop), c’est-à-dire une entreprise commerciale (société anonyme – SA – dans notre cas), dont les associés majoritaires sont des salariés et qui fonctionne selon le principe « une personne égale une voix », quelle que soit sa part de capital. Nous sommes aussi une entreprise adaptée (EA) : nous employons 155 travailleurs handicapés, soit 80% de notre effectif. Pour chacun d’entre eux, nous percevons une aide de l’État (elle représente au total 20 à 25% de notre budget), qui est malheureusement limitée. Si bien que nous ne sommes pas maîtres de notre développement.
Pour grandir tout en restant une EA, nous avons dû opter pour la croissance externe. Nous avons choisi de nous regrouper avec une PME de 50 personnes : Sefard, qui fabrique des pièces en fils, des feuillards et des ressorts en Eure-et-Loir. Cela nous permet d’être moins dépendants du secteur de la cosmétique et des finances publiques. Nous n’excluons pas non plus de profiter des compétences technologiques de Sefard pour présenter des offres communes aux prospects.
Pourquoi avoir choisi une autre Scop ?
S.F. Le groupement de Scop est une possibilité qu’a ouverte la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS) de juillet 2014 (1). Quand nous nous sommes rapprochés de Sefard au printemps 2015, cette entreprise n’était pas encore une Scop mais son propriétaire était sur le départ et envisageait de la transmettre à ses employés. Pour nous, c’était l’occasion de diffuser nos valeurs, celles de l’ESS. Le groupement, baptisé « Calice », a vu le jour le 31 mai dernier, avec l’aide de l’Union régionale des Scop et le soutien financier de la région.
Faute de moyens suffisants, les salariés de Sefard ne possèdent pour l’instant que 24% du capital de leur société ; l’objectif étant qu’ils atteignent le seuil de 49%, d’ici dix ans. Le reste est la propriété de TPC. En tant que « société mère », nous détenons aussi la majorité des voix pour prendre les grandes décisions en assemblée générale.
Au quotidien, les deux entités du groupe sont gérées indépendamment et leur résultat leur appartient en propre. Quelques règles ont néanmoins été harmonisées. Ainsi, chez Sefard et chez TPC, 45% des bénéfices doivent être distribués sous forme de participation aux travailleurs, 10% sont convertis en dividendes et le reste abonde les réserves. Par ailleurs, tout nouveau salarié doit obligatoirement prendre part au capital.
47% des EA sont des sociétés commerciales. Parmi elles, seule vingtaine a opté pour le statut coopératif. Comment l’expliquer ?
C’est surtout une question d’image, je crois. Alors que les Scop sont créées majoritairement ex-nihilo et peuvent concerner des établissements en parfaite santé, on en entend plus souvent parler lors de reprises d’entreprises en difficultés. On se trompe aussi sur la gouvernance coopérative : au quotidien, le gérant prend seul les décisions, sans consulter systématiquement tout le personnel ! Sachant que les associés ont le pouvoir de le renvoyer si nécessaire.
Par rapport aux autres sociétés commerciales, les Scop sont tenues de consolider leurs fonds propres et de limiter la rémunération du capital, ce qui est un gage de pérennité. Et comme ce sont les mêmes personnes – les salariés – qui décident les changements et les mettent en œuvre, les projets sont plus facile à développer.
Enfin, appartenir à une Scop permet aux travailleurs handicapés de participer à la gouvernance de leur EA, c’est un signe reconnaissance important. C’est pourquoi je souhaite profiter de mon mandat à la présidence de l’Unea pour promouvoir les Scop auprès des adhérents.
(1) Loi n°20144-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire