Perle Bouge a vécu de multiples carrières sportives, goûtant aux sports de combat, excellant en handibasket, avant de former, Avec Stéphane Tardieu, un redoutable tandem en aviron. A 38 ans, la française rêve de l’or paralympique à Rio.
Comment est survenu votre handicap ?
Perle Bouge : « J’ai eu des séquelles d’un accident de moto à l’âge de 19 ans. Je me suis fait renverser par une voiture. J’étais très sportive avant, j’ai redécouvert la pratique sportive adaptée en centre de rééducation. Je me suis reconstruite comme ça. Je faisais du sport de combat en club.
Expliquez-nous votre passage du basket à l’aviron.
P. B. : J’ai découvert l’aviron dans le cadre du travail. Je suis cadre technique et sportif au Ministère des Sports. En 2007, on m’a demandé de développer la pratique du Handisport en France, ce qui m’a fait découvrir l’aviron, que je ne connaissais pas. J’ai fait le cobaye, j’ai testé le bateau, l’accessibilité au ponton. Petit à petit, j’ai découvert et apprécié ce sport. Pendant deux ans, j’ai continué le basket, mais je m’interrogeais. Le fait de rater la qualif pour les Jeux de Pékin avec l’équipe de France de handibasket m’a marquée, sportivement. L’entraîneur collectif de l’aviron m’a appelée et m’a demandé si ça m’intéressait. J’ai voulu me lancer un nouveau défi, au départ, en complément du basket pour travailler le physique. La balance a fini par pencher et j’ai choisi l’aviron.
Comment s’est constitué votre duo avec Stéphane Tardieu ?
P. B. : Je suis d’abord allée en stage de détection en équipe de France, seule. Mon collègue ramait déjà avec une autre coéquipière. On m’a alignée aux Championnats de France et j’ai battu sa collègue. J’ai pris sa place, même si ce n’était pas du tout l’objectif. Ça c’est fait comme ça. Après un stage en 2010, on nous a envoyés sur une régate internationale tous les deux, ça a très bien fonctionné. Depuis, on travaille ensemble. C’est remis en cause tous les ans, mais jamais ça ne change. On s’entend très bien sur le bateau et en dehors. Il y a une vraie complicité, c’est ce qui fait notre force.
Votre duo a obtenu cinq médailles d’argent : une aux jeux Paralympiques, quatre aux Championnats du monde. À Rio, vous visez l’or ?
P. B. : Oui, l’objectif, c’est l’or. Comme tous les sportifs concernés. On a fait une bonne saison cette année. On a été champions de France, on a fait deux régates internationales en double, on a battu les Anglais en mai en Coupe du monde. On a pris notre revanche des Championnats du monde quelques semaines plus tôt. Là, nous venons de battre les Australiens à Poznan, en Coupe du monde également. Ils sont champions du monde depuis trois ans. Il ne faut pas s’endormir, mais ça fait du bien moralement à deux mois des jeux Paralympiques (interview réalisée en juin, ndlr). Je pense qu’on possède le bateau le plus puissant au niveau mondial. La puissance est à double tranchant : on développe beaucoup de watts, mais on peut aussi enfoncer les rames et faire traîner le bateau. C’est ce qui nous est arrivé assez régulièrement. La puissance sert souvent dans les fins de course, quand tout le monde est fatigué. Ça se joue au centième ou au dixième.
Être sous l’égide de la Fédération française d’aviron, plutôt que la FFH, qu’est-ce que cela change ?
P. B. : La FFH est une fédération multisport, c’est compliqué de tout gérer. La fédé d’aviron met les moyens sur une seule discipline. C’est intéressant puisqu’elle nous a permis de multiplier les stages et nous a apporté un cadre technique et, pour moi, un programme quotidien. Mais, ce serait bien aussi que les fédérations travaillent ensemble. La FFA devrait s’appuyer sur l’expertise de la FFH en termes de handicap et d’adaptation du matériel. Il faut que ça continue de se développer. Stéphane Tardieu estime que c’est plus gênant au niveau de la communication. Comme nous ne faisons pas partie du handisport, la FFH ne communique pas sur nous, mais nous restons des athlètes handicapés. Ça le frustre énormément. Peu importe la discipline, il faut communiquer. Il y a beaucoup à faire de ce côté-là. Le comité paralympique le fait très bien, grâce à Emmanuelle Assmann notamment. Il y a peut-être des enjeux derrière, mais il faut penser à l’athlète, qui est au cœur du projet.
Que vous apporte Société Générale au quotidien ?
P. B. : Sans grosse entreprise, on ne parlerait pas forcément du paralympisme. C’est, pour moi, un énorme avantage. Pas uniquement individuellement, mais collectivement, pour l’ensemble de notre monde.
Individuellement, ça me permet aussi de communiquer sur les mouvements ‘‘handi’’ quand j’interviens auprès d’eux, dans les séminaires notamment. Je parle des similitudes entre le très haut niveau sportif et les entreprises. Je communique beaucoup auprès des collaborateurs de Société Générale.
En général, ils me sollicitent quatre à cinq fois dans l’année. Je parle alors de handisport, de l’aviron, de la façon de faire évoluer les regards. Le handisport, c’est avant tout du sport. »
EN BREF
– Née le 1er décembre 1977 à Rennes
Ancienne joueuse de handibasket
– A commencé l’aviron en 2010
– Médaillée d’argent aux jeux Paralympiques de Londres avec Stéphane Tardieu
– 4 fois vice-championne du monde, avec Stéphane Tardieu
– 7 fois championne de France, avec Stéphane Tardieu