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WatcHelp, la montre qui favorise l’autonomie

Une montre connectée qui favorise l’autonomie ? C’est l’application WatcHelp, développée depuis deux ans par Estelle Ast, maman d’un petit garçon autiste. Disponible sur Android et bientôt sur IOS, elle permet de programmer des tâches à effectuer, de créer des mémos pour gérer les situations déstabilisantes ou de visualiser le planning de la journée. Tous Uniques a rencontré l’inventrice, enchantée par l’engouement suscité par son appli.

Tous Uniques : Comment cette idée vous est-elle venue ?

Estelle Ast : Mon fils Allan a été diagnostiqué autiste à l’âge de 2 ans. Il a toujours bénéficié d’une excellente prise en charge, et il a toujours progressé. Et puis, après le CE1, il s’est mis à stagner. A l’école, l’équipe de suivi a préconisé une orientation en classe pour l’inclusion scolaire. Je l’ai très mal vécu. Mais cela m’a donné l’occasion de prendre du recul. De m’interroger sur ce qui comptait vraiment pour son avenir. Allan savait lire, écrire et compter : l’essentiel était acquis. Restait à lui permettre de devenir autonome dans la vie de tous les jours. A l’époque, je faisais tout, à la maison comme à l’extérieur. Comment faire pour qu’il puisse assumer seul les actes de la vie quotidienne ? J’ai repensé aux séquentiels papier que nous utilisions lorsqu’il était petit. Mais je n’avais pas le courage de recommencer à dessiner des centaines de pictogrammes, à plastifier des cartes… Je me suis dit qu’il existait forcément une solution numérique.

Tous Uniques : Mais pourquoi une montre ?

Estelle Ast : Il n’était pas question de lui courir après toute la journée avec une tablette à la main. L’avantage d’une montre, c’est qu’on la porte toujours sur soi, et surtout, c’est très discret. Les alertes se font par vibreur, et c’est un objet courant, donc pas du tout stigmatisant.

Tous Uniques : Et rien n’existait de tel sur le marché…

Estelle Ast : Non, et ça a été une vraie surprise. En fait, j’ai d’abord acheté une montre, puis cherché une application. Mais aucune n’était vraiment satisfaisante. Impossible d’avoir des images en plein écran, les textes apparaissaient trop petits ou bien des logos venaient se surajouter, je n’arrivais pas à programmer de récurrences… Alors j’ai rédigé un cahier de charges, en concevant une application très souple, pour qu’elle puisse s’adapter à une grande variété d’utilisateurs, de handicaps et de troubles cognitifs. Puis, j’ai soumis le projet sur le site codeur.com, et avec 20 000 euros récoltés via une campagne de financement participatif, une équipe de développeurs a pu se mettre au travail.

Tous Uniques : Où en est aujourd’hui le développement de WatcHelp ?

Estelle Ast : WatcHelp est disponible sur Google Play depuis le mois de février, et devrait arriver sur l’Apple Store courant décembre, grâce à un don de la Fondation John Bost. Et nous avons dépassé les 2500 téléchargements ! En janvier, nous lancerons une nouvelle campagne de crowdfunding sur la plateforme Kickstarter. L’objectif est de lever des fonds pour faire évoluer l’application : depuis son lancement, nous avons reçu des retours d’utilisateurs très pertinents. Je travaille également sur un prototype de montre. Aujourd’hui, WatcHelp est compatible avec toutes les montres Android Wear et le sera avec les Apple Watch, mais ces appareils ne sont pas toujours adaptés. Par exemple, les enfants peuvent accéder aux paramètres au risque de tout dérégler, ou bien la carte Sim intégrée est très coûteuse… Et puis, nous aimerions intégrer un détecteur de chutes, un bracelet qu’on ne puisse pas retirer… Nous en avons pour au moins un an de travail.

Tous Uniques : Vous attendiez-vous à une telle success story ?

Estelle Ast : Pas du tout ! Le jour où j’ai eu cette idée, j’étais au fond de mon canapé, focalisée sur l’autonomie de mon fils, je ne pensais pas du tout que mon application pourrait venir en aide à des personnes si différentes.

Tous Uniques : Et depuis, WatcHelp a remporté de nombreux prix !

Estelle Ast : Oui, l’application a été distinguée au Concours Lépine, a reçu le premier prix à Connected Health Monaco et a gagné dans la catégorie « Recherche appliquée et innovations technologiques » du Prix Ocirp Handicap. A chaque fois, c’est une reconnaissance formidable. Mais ce qui nous donne le plus d’énergie, ce sont les témoignages de parents, de proches aidants. Les aidants sont souvent au bout du rouleau. Savoir que nous pouvons les rassurer et les soulager, tout en favorisant l’autonomie des personnes handicapées, c’est ma plus belle récompense.

Tous Uniques : Et comment va Allan ?

Estelle Ast : Allan va très bien. Il a repris confiance en lui. La montre fonctionne aussi comme un entraînement cérébral ; avec le temps j’ai pu retirer certaines consignes parce qu’il les exécute spontanément. Par exemple, il pense tout seul à débarrasser la table après son repas. Cela me permet de rajouter d’autres tâches, comme de mettre son linge sale dans le panier. Il est incroyablement fier et à 11 ans, il est ravi de ne plus avoir toujours sa maman sur le dos ! Et puis comme je n’ai plus besoin de répéter, il n’y a plus d’énervement, plus de crises, plus de violence. Nous avançons tous ensemble, et c’est magique.